Voir des pilotes soulever des questions portant sur la sécurité est un phénomène presque aussi vieux que le sport automobile lui-même, mais rarement leurs sentiments sont importants au point de voir des organisateurs prêts à rayer une course. Une telle exception a eu lieu à Spa en juin 1985 lorsque le Grand Prix de Belgique a été annulé, les pilotes ayant refusé de continuer davantage après avoir complété quelques tours de pratique la veille de la course.
Bernie Ecclestone, à l'époque patron de la FOCA, parle aux journalistes lors d'un après-midi assez confus
Les problèmes sont survenus lorsque les autorités ont décidé de resurfacer la piste après avoir reçu des plaintes à l'effet que le circuit était dangereux sous la pluie. Suite à d'importantes recherches, la pose d'une asphalte caoutchoutée, reconnue pour son excellente capacité de drainage, a été commandée au coût de 3.4 millions € (4.6m $ US).
Ironiquement, le travail a été maintes fois reporté par les mauvaises conditions météo et n'a été éventuellement complété qu'une dizaine de jours avant le weekend du Grand Prix. Au lieu de consulter la FIA, les organisateurs ont simplement été de l'avant malgré le fait qu'une situation quasi-identique avait eu lieu l'année précédente au Grand Prix de Dallas. Lors de cet événement, la course avait été présentée suite à l'accomplissement de réparations frénétiques à l'aide de ciment à séchage rapide. Il n'y aurait pas de telle solution à Spa, où le Grand Prix revenait après plus d'une décennie d'absence.
À l'origine, les problèmes n'étaient pas évidents. Une section du circuit belge était en fait une voie publique, et la surface tenait bien le coup sous le poids des voitures et des camions. Mais dès que des voitures de Formule 1 l'ont utilisée, avec leurs pneus larges et collants, elles se sont immédiatement mises à arracher la nouvelle surface déjà ramollie par un Soleil chaud. "Les résultats étaient aussi hasardeux qu'imprévisibles", écrivait Maurice Hamilton dans le Guardian.
Le fait que les choses n'allaient pas bien était devenu évident après les essais du vendredi, et des travaux de réparation effectués au cours de la nuit n'avaient pas aidé. Après 25 minutes de piste le samedi matin, les pilotes ont demandé la cessation des essais en insistant que les conditions étaient trop dangereuses. Peu de gens, mis à part ceux ayant en tête des intérêts commerciaux, étaient en désaccord.
La course annulée, un camion Ferrari rentre à la maison
Sutton Images
Alors que la plupart rageaient en coulisses, Niki Lauda parlait à la presse; il voulait savoir pourquoi le travail n'avait pas été fait six mois plus tôt. "La couche en surface peut alors se fixer proprement", disait-il. "De cette façon-ci, c'est de la folie." Nigel Mansell est allé plus loin, démontrant sa frustration en arrachant des morceaux d'asphalte à mains nues devant des journalistes.
Au lieu de prendre les choses en main et d'agir rapidement, les autorités ont hésité avant d'accorder sans trop de conviction une période de six heures aux responsables du circuit pour qu'ils trouvent une solution. Mais le problème était si important qu'il n'y avait jamais eu de réelle possibilité pour eux d'être en mesure de remédier la situation.
À 18h00, la piste a été inspectée par les pilotes et les autorités. La confusion n'a été qu'amplifiée lorsqu'une annonce a été faite le samedi soir pour indiquer que la course aurait lieu comme prévu le lendemain, même si les essais avaient été annulés cette journée-là. La foule, qui était restée sur place toute la journée en espérant voir un peu d'action en piste, est progressivement rentrée à la maison en croyant qu'il y aurait au moins un Grand Prix le dimanche.
Cependant, les pilotes étaient inflexibles et n'étaient pas disposés à y prendre part. Les responsables ont continué à affirmer que des réparations au cours de la nuit mettraient fin à leurs inquiétudes, mais les pilotes n'ont pas été convaincus. "Les réparations [du vendredi soir] se sont avérées encore plus glissantes que les sections déjà en place qui continuent à se désagréger", disait Derek Warwick. "Je ne sais pas ce qu'ils ont fait mais l'incohérence sur la piste fait en sorte qu'elle est impossible à conduire, encore moins courir dessus."
Éventuellement, ils ont rejoint Jean-Marie Balestre, Président de la FISA, et lui ont souligné leur position. Il acceptait alors de les soutenir et à 20h00 le samedi soir la course était annulée.
"Je lève mon chapeau au jury pour leur décision", déclarait Lauda. "Ce fut une victoire pour le bon sens."
Les billes arrachées de la piste de Spa-Francorchamps étaient clairement visibles lors de la course de Formule 3000 qui a néanmoins eue lieu le dimanche
Sutton Images
Le travail sur la piste a tout de même été complété au cours de la nuit, et la course de Formule 3000 du dimanche a été présentée. Si les organisateurs espéraient voir la position des pilotes invalidée, ils ont été amèrement déçus puisque ces voitures moins puissantes ont elles aussi fait des trous dans l'asphalte et un certain nombre ont quitté la piste.
Le dimanche soir, Balestre remarquait lors d'une interview que les belges avaient "dépensé 28 millions € (38m $ US) trois années plus tôt pour créer un des meilleurs circuits au monde et ont ensuite commis cette erreur inconcevable." Les règlements sont clairs, avait-il ajouté : une surface ne peut être altérée moins de 60 jours avant la course.
Vers la fin juin, les organisateurs belges ont reçu une amende dérisoire de 10 000 $ US (7500 €) pour le fiasco et ont même eu l'opportunité de présenter une course plus tard au cours de la saison. Heureusement, les problèmes avaient déjà été réglés lorsque le cirque est revenu à Spa en septembre.
Cependant, Spa avait fait une victime. Stefan Beloff, qui pilotait en F1 pour Tyrrell et avait participé à l'affrontement, s'était tué au volant d'un prototype sur ce même circuit, deux semaines avant le Grand Prix reporté.
Bernie Ecclestone, à l'époque patron de la FOCA, parle aux journalistes lors d'un après-midi assez confus
Les problèmes sont survenus lorsque les autorités ont décidé de resurfacer la piste après avoir reçu des plaintes à l'effet que le circuit était dangereux sous la pluie. Suite à d'importantes recherches, la pose d'une asphalte caoutchoutée, reconnue pour son excellente capacité de drainage, a été commandée au coût de 3.4 millions € (4.6m $ US).
Ironiquement, le travail a été maintes fois reporté par les mauvaises conditions météo et n'a été éventuellement complété qu'une dizaine de jours avant le weekend du Grand Prix. Au lieu de consulter la FIA, les organisateurs ont simplement été de l'avant malgré le fait qu'une situation quasi-identique avait eu lieu l'année précédente au Grand Prix de Dallas. Lors de cet événement, la course avait été présentée suite à l'accomplissement de réparations frénétiques à l'aide de ciment à séchage rapide. Il n'y aurait pas de telle solution à Spa, où le Grand Prix revenait après plus d'une décennie d'absence.
À l'origine, les problèmes n'étaient pas évidents. Une section du circuit belge était en fait une voie publique, et la surface tenait bien le coup sous le poids des voitures et des camions. Mais dès que des voitures de Formule 1 l'ont utilisée, avec leurs pneus larges et collants, elles se sont immédiatement mises à arracher la nouvelle surface déjà ramollie par un Soleil chaud. "Les résultats étaient aussi hasardeux qu'imprévisibles", écrivait Maurice Hamilton dans le Guardian.
Le fait que les choses n'allaient pas bien était devenu évident après les essais du vendredi, et des travaux de réparation effectués au cours de la nuit n'avaient pas aidé. Après 25 minutes de piste le samedi matin, les pilotes ont demandé la cessation des essais en insistant que les conditions étaient trop dangereuses. Peu de gens, mis à part ceux ayant en tête des intérêts commerciaux, étaient en désaccord.
La course annulée, un camion Ferrari rentre à la maison
Sutton ImagesAlors que la plupart rageaient en coulisses, Niki Lauda parlait à la presse; il voulait savoir pourquoi le travail n'avait pas été fait six mois plus tôt. "La couche en surface peut alors se fixer proprement", disait-il. "De cette façon-ci, c'est de la folie." Nigel Mansell est allé plus loin, démontrant sa frustration en arrachant des morceaux d'asphalte à mains nues devant des journalistes.
Au lieu de prendre les choses en main et d'agir rapidement, les autorités ont hésité avant d'accorder sans trop de conviction une période de six heures aux responsables du circuit pour qu'ils trouvent une solution. Mais le problème était si important qu'il n'y avait jamais eu de réelle possibilité pour eux d'être en mesure de remédier la situation.
À 18h00, la piste a été inspectée par les pilotes et les autorités. La confusion n'a été qu'amplifiée lorsqu'une annonce a été faite le samedi soir pour indiquer que la course aurait lieu comme prévu le lendemain, même si les essais avaient été annulés cette journée-là. La foule, qui était restée sur place toute la journée en espérant voir un peu d'action en piste, est progressivement rentrée à la maison en croyant qu'il y aurait au moins un Grand Prix le dimanche.
Cependant, les pilotes étaient inflexibles et n'étaient pas disposés à y prendre part. Les responsables ont continué à affirmer que des réparations au cours de la nuit mettraient fin à leurs inquiétudes, mais les pilotes n'ont pas été convaincus. "Les réparations [du vendredi soir] se sont avérées encore plus glissantes que les sections déjà en place qui continuent à se désagréger", disait Derek Warwick. "Je ne sais pas ce qu'ils ont fait mais l'incohérence sur la piste fait en sorte qu'elle est impossible à conduire, encore moins courir dessus."
Éventuellement, ils ont rejoint Jean-Marie Balestre, Président de la FISA, et lui ont souligné leur position. Il acceptait alors de les soutenir et à 20h00 le samedi soir la course était annulée.
"Je lève mon chapeau au jury pour leur décision", déclarait Lauda. "Ce fut une victoire pour le bon sens."
Les billes arrachées de la piste de Spa-Francorchamps étaient clairement visibles lors de la course de Formule 3000 qui a néanmoins eue lieu le dimanche
Sutton ImagesLe travail sur la piste a tout de même été complété au cours de la nuit, et la course de Formule 3000 du dimanche a été présentée. Si les organisateurs espéraient voir la position des pilotes invalidée, ils ont été amèrement déçus puisque ces voitures moins puissantes ont elles aussi fait des trous dans l'asphalte et un certain nombre ont quitté la piste.
Le dimanche soir, Balestre remarquait lors d'une interview que les belges avaient "dépensé 28 millions € (38m $ US) trois années plus tôt pour créer un des meilleurs circuits au monde et ont ensuite commis cette erreur inconcevable." Les règlements sont clairs, avait-il ajouté : une surface ne peut être altérée moins de 60 jours avant la course.
Vers la fin juin, les organisateurs belges ont reçu une amende dérisoire de 10 000 $ US (7500 €) pour le fiasco et ont même eu l'opportunité de présenter une course plus tard au cours de la saison. Heureusement, les problèmes avaient déjà été réglés lorsque le cirque est revenu à Spa en septembre.
Cependant, Spa avait fait une victime. Stefan Beloff, qui pilotait en F1 pour Tyrrell et avait participé à l'affrontement, s'était tué au volant d'un prototype sur ce même circuit, deux semaines avant le Grand Prix reporté.
