2013 : la F1 pourrait changer le monde
Les gens ne veulent peut-être pas l'admettre, mais la Formule 1 traverse actuellement une importante crise financière. Si vous jetez un coup d'œil sur la grille de départ, vous remarquerez à quel point le nombre de logos à diminué comme jamais auparavant. Le ralentissement économique global frappe fort, et les choses ne s'amélioreront pas de sitôt.
Chez McLaren, pour la première fois depuis des lustres, le revers de l'aileron arrière est dépourvu de tout logo. Les flancs de la Ferrari ont rarement été d'un rouge aussi homogène. Malgré sa visibilité, ce n'est pas sans difficulté que Red Bull arrive à trouver des partenaires commerciaux. Les voitures Force India, Toro Rosso et Renault sont pratiquement dépourvues de logos si on ne compte pas ceux de leurs propriétaires respectifs. Quant à la Sauber, elle est demeurée blanche depuis le brusque départ de BMW l'an dernier. Williams est censée perdre deux ou trois partenaires importants d'ici la fin de l'année. Virgin, qui a décidé de faire fi d'une soufflerie, opère sur un budget de 45m € (59m $). Lotus et HRT sont surtout financées par leur propriétaires seulement.
La catégorie reine sait qu'elle doit assurer sa pérennité, et ce faisant, elle espère transformer l'industrie automobile ainsi que nos habitudes.
En 2013, la Formule 1 fera un pas décisif en vue de se dissocier des gourmands moteurs atmosphériques à haut régime. L'objectif : des moteurs à quatre cylindres, turbocompressés et à consommation réduite, destinés à rendre la F1 plus pertinente que jamais au commun des mortels. En agissant ainsi, la F1 entend devenir un foyer de recherche et de développement pour les technologies hybrides.
Au niveau du ratio carburant/puissance, les moteurs actuellement utilisés en F1 (des V8 de 2,4 litres) sont en fait plus efficaces que n'importe quel moteur issu d'une voiture de série. Cependant, l'énorme traînée que génère une monoplace de F1 entraîne une consommation de carburant maintenant devenue inacceptable. Les sponsors préfèrent s'éloigner de cette image négative, soit celle d'un sport qui avale les litres de carburant. Cette perception fait du tort à la F1 et contribue à la crise actuelle qui la secoue.
Voilà pourquoi les équipes et les manufacturiers automobiles espèrent profiter du temps de réponse rapide de la Formule 1, en plus de son rayonnement mondial et de ses toujours impressionnants budgets, pour faire en sorte que ce sport devienne plus cool, vert et sexy. Aussi, en faire plus qu'un simple outil de marketing pour ceux qui s'y impliquent.
Tout développement réalisé par l'industrie automobile peut être accompli de manière plus efficace et rapide en Formule 1, où les grands changements techniques et les programmes de développement à courte échéance sont la norme. Les manufacturiers automobiles voudront y participer, tant le développement des technologies hybrides et la réduction conséquente de la consommation de carburant seront attractifs. Idem pour les sponsors.
Tim Roustis, le PDG du motoriste Cosworth, explique pourquoi la prochaine génération de moteurs sera la plus efficace de toutes celles vues à ce jour en Formule 1.
"La proposition à l'étude actuellement prévoit un groupe motopropulseur plus efficace en vertu d'un régime plus bas et d'une suralimentation plus élevée, en plus d'une meilleure efficacité au niveau de le consommation de carburant, d'une amélioration de l'efficacité thermale du moteur, et du raccordement du moteur à des mécanismes qui pourront recueillir et recycler l'énergie qui se perd actuellement", dit-il.
"Aujourd'hui, une bonne part de l'énergie que nous tirons du carburant sert à réchauffer l'environnement", ajoute Roustis pour souligner l'importance des changements à venir en F1. "Il s'agit de la même pensée logique qui nous a menés au SREC (système de récupération de l'énergie cinétique) en premier lieu, mais avec une approche plus holistique du groupe motopropulseur."
Mais il ne s'agit pas de tout simplement entériner des règlements techniques autour d'une formule verte, hybride et efficace. Comme toujours, l'argent est un élément important de l'équation.
"Ces règlements seront pertinents et excitants d'un point de vue technique", affirme Roustis. "Mais il faut s'assurer de ne pas déclencher une course à l'armement financière par inadvertance. Ce qui est clair, c'est que personne ne peut se permettre de dépenser sans regarder, qu'ils soient grands ou petits."
Faire en sorte que les manufacturiers ne dépensent pas des sommes astronomiques sur leurs programmes de développement de moteur est un défi de taille, mais ce projet doit être accompli de façon raisonnable. Une option serait de limiter le développement à certains éléments seulement.
"Le moteur à combustion existe depuis un siècle maintenant, alors il serait très difficile d'en améliorer certaines parties", remarque Roustis. "Il n'y a aucune raison de dépenser de grandes sommes d'argent pour réapprendre ce que nous avons déjà appris au cours des années."
Les équipes vont plutôt se concentrer sur les secteurs où le développement est possible, en particulier là où des économies peuvent être réalisées sur la consommation de carburant.
Actuellement, bien que l'interdiction de ravitailler fasse en sorte qu'un moteur moins gourmand soit un avantage, aucune limite n'est imposée sur la quantité de carburant utilisée par les équipes lors d'un week-end de course. Cela va changer en 2013 : un débitmètre va limiter l'alimentation du moteur en carburant, et il y aura une limite sur la quantité de carburant pouvant être utilisée pendant une course.
"Ce sera très, très restreint", confirme Roustis. "C'est là que nous verrons un grand changement. Il faudra faire beaucoup plus avec moins. On parle d'une utilisation de carburant qui sera de 35% à 50% inférieure à ce que nous utilisons aujourd'hui. Pour une voiture qui doit accomplir les mêmes temps au tour et franchir la même distance, c'est énorme."
De plus, pour encourager la mise en place de technologies hybrides, il est possible que l'alimentation en carburant ainsi que la quantité de carburant permise pendant une course soit réduite de façon incrémentielle d'une année à l'autre. Cela forcera les manufacturiers à produire des moteurs toujours plus efficaces, tout en améliorant l'image de la F1.
Martin Whitmarsh, le président de la FOTA (l'association des équipes de Formule 1), affirme que les voitures et les moteurs demeureront les plus techniquement avancés au monde. Et le bruit qu'ils produisent continuera à faire partie de l'expérience : "Il faut avoir ce son. Être près d'une monoplace de Formule 1 et pouvoir l'entendre, c'est d'une importance vitale."
"Il faut qu'elles fassent un son superbe, elles doivent être excitantes à piloter, elles doivent être perçues comme les plus avancées, mais elles doivent aussi être pertinentes à la société et aux technologies que nous développerons."
"Il faut faire toutes ces choses alors que le monde des affaires subit un stress financier, et il ne faut pas passer d'une série de règlements à une autre en perdant des gens en chemin", souligne Whitmarsh. "Nous sortirons de cette récession plus forts, mais il ne faut pas penser que toutes les équipes pourront s'en sortir si nous nous trompons."
Mettre en place une catégorie reine efficace, hybride et verte est une chose ; transmettre le message aux fans, aux politiciens et aux sponsors potentiels en est une autre.
C'est "très, très complexe", admet Roustis. "Il faut faire attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous devons bien comprendre ce qui attire les gens aux sport automobile et à la Formule 1 en particulier, et faire en sorte de ne rien perdre."
Mais est-ce qu'une F1 plus verte attirera nécessairement un plus grand nombre de sponsors ? Pour Harry Gibbings, le directeur du programme de sponsoring global de TW Steel, un partenaire de l'écurie Renault, la situation sera certainement moins intimidante.
"Du point de vue d'un sponsor, la philosophie verte est importante", soutient-il. "Renault a fait de grands efforts dans ce domaine en transférant la technologie de son programme F1 vers des voitures de série plus petites et énergétiquement efficaces."
"Mais ce n'est pas la raison principale pour laquelle nous sommes sponsors en Formule 1. Évidemment, nous voulons avoir un retour sur notre investissement : chaque manche rejoint 450 millions de personnes, c'est ce qui compte. Mais le fait d'avoir une image verte et positive est aussi un aspect important."
"Avec la nouvelle réglementation sur les moteurs, s'ils arrivent à passer le message que cela se traduira par de nouvelles technologies pour les voitures de série, et que les voitures de série seront plus économes en carburant et plus écologiques, les gens seront moins enclins à se sentir intimidés par la Formule 1", dit Gibbings.
Si les nouvelles technologies qui naîtront de la réglementation hybride de 2013 se retrouvent à bord des voitures de série de l'avenir, l'impact qu'elles auront sur la réduction des émissions de carbone provenant de la flotte automobile mondiale sera absolument extraordinaire.
Dès 2013, la Formule 1 aura la chance de changer le monde. Elle doit réussir. Le futur de notre grand sport est en jeu.
Les gens ne veulent peut-être pas l'admettre, mais la Formule 1 traverse actuellement une importante crise financière. Si vous jetez un coup d'œil sur la grille de départ, vous remarquerez à quel point le nombre de logos à diminué comme jamais auparavant. Le ralentissement économique global frappe fort, et les choses ne s'amélioreront pas de sitôt.
Chez McLaren, pour la première fois depuis des lustres, le revers de l'aileron arrière est dépourvu de tout logo. Les flancs de la Ferrari ont rarement été d'un rouge aussi homogène. Malgré sa visibilité, ce n'est pas sans difficulté que Red Bull arrive à trouver des partenaires commerciaux. Les voitures Force India, Toro Rosso et Renault sont pratiquement dépourvues de logos si on ne compte pas ceux de leurs propriétaires respectifs. Quant à la Sauber, elle est demeurée blanche depuis le brusque départ de BMW l'an dernier. Williams est censée perdre deux ou trois partenaires importants d'ici la fin de l'année. Virgin, qui a décidé de faire fi d'une soufflerie, opère sur un budget de 45m € (59m $). Lotus et HRT sont surtout financées par leur propriétaires seulement.
La catégorie reine sait qu'elle doit assurer sa pérennité, et ce faisant, elle espère transformer l'industrie automobile ainsi que nos habitudes.
En 2013, la Formule 1 fera un pas décisif en vue de se dissocier des gourmands moteurs atmosphériques à haut régime. L'objectif : des moteurs à quatre cylindres, turbocompressés et à consommation réduite, destinés à rendre la F1 plus pertinente que jamais au commun des mortels. En agissant ainsi, la F1 entend devenir un foyer de recherche et de développement pour les technologies hybrides.
Au niveau du ratio carburant/puissance, les moteurs actuellement utilisés en F1 (des V8 de 2,4 litres) sont en fait plus efficaces que n'importe quel moteur issu d'une voiture de série. Cependant, l'énorme traînée que génère une monoplace de F1 entraîne une consommation de carburant maintenant devenue inacceptable. Les sponsors préfèrent s'éloigner de cette image négative, soit celle d'un sport qui avale les litres de carburant. Cette perception fait du tort à la F1 et contribue à la crise actuelle qui la secoue.
Voilà pourquoi les équipes et les manufacturiers automobiles espèrent profiter du temps de réponse rapide de la Formule 1, en plus de son rayonnement mondial et de ses toujours impressionnants budgets, pour faire en sorte que ce sport devienne plus cool, vert et sexy. Aussi, en faire plus qu'un simple outil de marketing pour ceux qui s'y impliquent.
Tout développement réalisé par l'industrie automobile peut être accompli de manière plus efficace et rapide en Formule 1, où les grands changements techniques et les programmes de développement à courte échéance sont la norme. Les manufacturiers automobiles voudront y participer, tant le développement des technologies hybrides et la réduction conséquente de la consommation de carburant seront attractifs. Idem pour les sponsors.
Tim Roustis, le PDG du motoriste Cosworth, explique pourquoi la prochaine génération de moteurs sera la plus efficace de toutes celles vues à ce jour en Formule 1.
"La proposition à l'étude actuellement prévoit un groupe motopropulseur plus efficace en vertu d'un régime plus bas et d'une suralimentation plus élevée, en plus d'une meilleure efficacité au niveau de le consommation de carburant, d'une amélioration de l'efficacité thermale du moteur, et du raccordement du moteur à des mécanismes qui pourront recueillir et recycler l'énergie qui se perd actuellement", dit-il.
"Aujourd'hui, une bonne part de l'énergie que nous tirons du carburant sert à réchauffer l'environnement", ajoute Roustis pour souligner l'importance des changements à venir en F1. "Il s'agit de la même pensée logique qui nous a menés au SREC (système de récupération de l'énergie cinétique) en premier lieu, mais avec une approche plus holistique du groupe motopropulseur."
Mais il ne s'agit pas de tout simplement entériner des règlements techniques autour d'une formule verte, hybride et efficace. Comme toujours, l'argent est un élément important de l'équation.
"Ces règlements seront pertinents et excitants d'un point de vue technique", affirme Roustis. "Mais il faut s'assurer de ne pas déclencher une course à l'armement financière par inadvertance. Ce qui est clair, c'est que personne ne peut se permettre de dépenser sans regarder, qu'ils soient grands ou petits."
Faire en sorte que les manufacturiers ne dépensent pas des sommes astronomiques sur leurs programmes de développement de moteur est un défi de taille, mais ce projet doit être accompli de façon raisonnable. Une option serait de limiter le développement à certains éléments seulement.
"Le moteur à combustion existe depuis un siècle maintenant, alors il serait très difficile d'en améliorer certaines parties", remarque Roustis. "Il n'y a aucune raison de dépenser de grandes sommes d'argent pour réapprendre ce que nous avons déjà appris au cours des années."
Les équipes vont plutôt se concentrer sur les secteurs où le développement est possible, en particulier là où des économies peuvent être réalisées sur la consommation de carburant.
Actuellement, bien que l'interdiction de ravitailler fasse en sorte qu'un moteur moins gourmand soit un avantage, aucune limite n'est imposée sur la quantité de carburant utilisée par les équipes lors d'un week-end de course. Cela va changer en 2013 : un débitmètre va limiter l'alimentation du moteur en carburant, et il y aura une limite sur la quantité de carburant pouvant être utilisée pendant une course.
"Ce sera très, très restreint", confirme Roustis. "C'est là que nous verrons un grand changement. Il faudra faire beaucoup plus avec moins. On parle d'une utilisation de carburant qui sera de 35% à 50% inférieure à ce que nous utilisons aujourd'hui. Pour une voiture qui doit accomplir les mêmes temps au tour et franchir la même distance, c'est énorme."
De plus, pour encourager la mise en place de technologies hybrides, il est possible que l'alimentation en carburant ainsi que la quantité de carburant permise pendant une course soit réduite de façon incrémentielle d'une année à l'autre. Cela forcera les manufacturiers à produire des moteurs toujours plus efficaces, tout en améliorant l'image de la F1.
Martin Whitmarsh, le président de la FOTA (l'association des équipes de Formule 1), affirme que les voitures et les moteurs demeureront les plus techniquement avancés au monde. Et le bruit qu'ils produisent continuera à faire partie de l'expérience : "Il faut avoir ce son. Être près d'une monoplace de Formule 1 et pouvoir l'entendre, c'est d'une importance vitale."
"Il faut qu'elles fassent un son superbe, elles doivent être excitantes à piloter, elles doivent être perçues comme les plus avancées, mais elles doivent aussi être pertinentes à la société et aux technologies que nous développerons."
"Il faut faire toutes ces choses alors que le monde des affaires subit un stress financier, et il ne faut pas passer d'une série de règlements à une autre en perdant des gens en chemin", souligne Whitmarsh. "Nous sortirons de cette récession plus forts, mais il ne faut pas penser que toutes les équipes pourront s'en sortir si nous nous trompons."
Mettre en place une catégorie reine efficace, hybride et verte est une chose ; transmettre le message aux fans, aux politiciens et aux sponsors potentiels en est une autre.
C'est "très, très complexe", admet Roustis. "Il faut faire attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous devons bien comprendre ce qui attire les gens aux sport automobile et à la Formule 1 en particulier, et faire en sorte de ne rien perdre."
Mais est-ce qu'une F1 plus verte attirera nécessairement un plus grand nombre de sponsors ? Pour Harry Gibbings, le directeur du programme de sponsoring global de TW Steel, un partenaire de l'écurie Renault, la situation sera certainement moins intimidante.
"Du point de vue d'un sponsor, la philosophie verte est importante", soutient-il. "Renault a fait de grands efforts dans ce domaine en transférant la technologie de son programme F1 vers des voitures de série plus petites et énergétiquement efficaces."
"Mais ce n'est pas la raison principale pour laquelle nous sommes sponsors en Formule 1. Évidemment, nous voulons avoir un retour sur notre investissement : chaque manche rejoint 450 millions de personnes, c'est ce qui compte. Mais le fait d'avoir une image verte et positive est aussi un aspect important."
"Avec la nouvelle réglementation sur les moteurs, s'ils arrivent à passer le message que cela se traduira par de nouvelles technologies pour les voitures de série, et que les voitures de série seront plus économes en carburant et plus écologiques, les gens seront moins enclins à se sentir intimidés par la Formule 1", dit Gibbings.
Si les nouvelles technologies qui naîtront de la réglementation hybride de 2013 se retrouvent à bord des voitures de série de l'avenir, l'impact qu'elles auront sur la réduction des émissions de carbone provenant de la flotte automobile mondiale sera absolument extraordinaire.
Dès 2013, la Formule 1 aura la chance de changer le monde. Elle doit réussir. Le futur de notre grand sport est en jeu.