Les fêlés de la course
Tazio Nuvolari
Nuvolari était probablement le meilleur des pilotes pré-F1, décrit par un rival comme étant "le plus culotté et talentueux de tous les fous." Dans sa jeunesse, il a sauté du toit de la maison familiale avec un parachute artisanal dans le dos. Adolescent, il s'est acheté un petit avion et l'a écrasé dans une botte de foin. Au cours de la Première Guerre mondiale, l'armée italienne lui interdisait de conduire ses ambulances car elle le jugeait "trop dangereux". Rien n'arrêtait Nuvolari. Après un grave accident subi en 1934, il a participé à une course avec un pied dans le plâtre. Deux années plus tard, gravement blessé lors des essais pour le Grand Prix de Tripoli, c'est avec le sourire qu'il a repris le volant et couru dans le GP bien qu'il peinait à bouger dans son corset médical. En 1940, un capot plié sur sa Ferrari l'empêchait de bien voir la piste : Nuvolari a délibérément frappé un pilier de pont pour l'arracher.
Henry Segrave
Segrave, un des plus grands pilotes britanniques de l'entre-deux-guerres, était obsédé par la vitesse et détenait plusieurs records sur terre et sur mer. Sur la route, son attitude à l'égard des intersections était certainement peu conventionnelle : il les traversait à fond en ignorant le trafic et les signaux. "Si vous traversez à 100 km/h, la période de temps passée dans la 'zone dangereuse' n'est qu'un tiers du temps d'un passage à 35 km/h. En conséquence, le risque de rencontrer du trafic est trois fois moindre", expliquait-il sans trop convaincre. Courir trop longtemps l'ennuyait : lors d'une épreuve d'endurance de six heures, il a simplement quitté la piste et s'est prestement dirigé vers une marina pour y faire une promenade en bateau. Il s'est tué en 1930 alors qu'il tentait de briser un autre record de vitesse.
Patrick Depailler
Les dangers de la Formule 1 n'arrivaient pas à satisfaire le goût du risque de Depailler. Peu de temps après avoir été invité par l'écurie Tyrrell à participer aux deux derniers GP de 1973, il s'est cassé une jambe en faisant de la moto. Son contrat a été amendé pour lui interdire de se déplacer par ce moyen. Dans le paddock, il se promenait souvent à vélo assis sur le guidon. En 1979, à l'exception de ses patrons chez Ligier, peu de gens étaient surpris d'apprendre que le Français s'était gravement blessé lors d'un vol en deltaplane ; son équipe l'a immédiatement remplacé. Il est décédé lors des essais pour le GP d'Allemagne 1980.
Bernd Rosemeyer
Pilote brillant et membre de la légendaire écurie Auto Union, il avait remporté le championnat européen 1936. Fataliste, il prenait tout à la légère, ce qui menait à de nombreuses querelles avec ses patrons. Ils étaient outrés d'apprendre qu'il avait rejoint l'équipe allemande de bobsleigh lors des Jeux Olympiques de 1936. L'année suivante, alors qu'il complétait une séance d'essais avec un major des forces armées comme passager, Rosemeyer ne portait qu'un casque, des gants, des shorts et des sandales... et c'est ainsi qu'il a fracassé le record du tour par plus de 10 secondes. En 1938, à quelques semaines de son 30e anniversaire, il perdait la vie en tentant de briser le record de vitesse sur terre.
Henry Birkin
Birkin était un membre des fameux Bentley Boys. Sa carrière a été interrompue lorsque sa nouvelle épouse lui a demandé de changer de métier. Au cours de sa 'retraite', il gardait la main en conduisant de Londres à Norfolk : si Birkin arrivait à destination dans le temps projeté, il avait droit à un petit déjeuner copieux, sinon il retournait immédiatement à Londres le ventre creux. Mais après un certain temps, le Britannique est arrivé à la conclusion que courir était plus important que son mariage ; il reprenait le volant en 1927. Non découragé par la mort de son frère, survenue lors d'une course, il pilotait tout ce qui était à sa portée. En 1933, sans aucun mécanicien pour l'assister, Birkin franchissait la ligne d'arrivée du GP de Tripoli à la 3e place. Malheureusement, ce serait sa dernière course. En s'allongeant le bras pour prendre une cigarette, il a touché le tuyau d'échappement de sa voiture. La brûlure s'étant infectée, il mourait trois semaines plus tard.
Carel Godin de Beaufort
De Beaufort, issu de la noblesse des Pays-Bas, fut un des derniers véritables pilotes amateurs. Il finançait sa propre écurie Maarsbergen, du nom de son domaine. Considéré comme une farce à ses débuts (son imposant gabarit a mené les observateurs à surnommer sa voiture "Grosse Porsche"), avec le temps il s'est mérité le respect du paddock. En 1962, il terminait 6e à deux reprises et marquait des points. De Beaufort était peu conventionnel : il pilotait sans souliers et a été vu avec une perruque de style Beatles sur la tête plutôt qu'un casque. Lors d'une séance d'essais à Reims, au grand dam des commissaires, il s'est arrêté en bordure de piste pour prendre à bord une femme ayant attiré son regard. Il est mort au Nürburgring pendant les essais pour le GP d'Allemagne 1964.
Gwenda Hawkes
À une époque où les femmes conductrices étaient perçues comme une forme de dégénérescence morale (d'autant plus lorsqu'il s'agissait de voitures de course), Hawkes a fait sa renommée dans les années 1920 en engrangeant des records de vitesse. C'est en conduisant des ambulances pendant la Première Guerre mondiale et en effectuant des réparations sous les tirs de l'ennemi qu'elle a développé ses talents. La formation militaire de Hawkes se transposait sur ses mécanos, dont les vêtements devaient être plus blanc que blanc en tout temps. Elle n'hésitait pas à congédier tout mécano dont l'habit était souillé par des taches d'huile.
Alan Stacey
Sachant qu'il n'avait qu'une jambe, il était assez remarquable de voir Stacey entamer une carrière de pilote (sa jambe droite a été amputée après un accident de moto survenu à 17 ans). L'écurie Lotus avait adapté sa voiture et ajouté un accélérateur manuel. Pour passer un examen médical plutôt strict lors d'un GP de France, Stacey avait préparé un stratagème : il a présenté sa bonne jambe pour le test des réflexes, et après que le médecin lui ait donné un petit coup de marteau caoutchouté sur le genou, a détourné son attention et s'est assuré de recevoir le deuxième coup sur le même genou. Déjà que la situation était étrange, son mécano en chef n'avait qu'un bras. Stacey est décédé lors du GP de Belgique 1960, mais son handicap n'était pas en cause : un oiseau l'aurait frappé en plein visage.
André Dubonnet
Dubonnet fut un personnage plutôt coloré à une époque où il n'en manquait pourtant pas. Héritier de l'empire familial d'apéritifs, il a pu profiter d'une vie bien remplie passée à s'amuser et à piloter. Il a participé aux Jeux Olympiques de 1924 dans l'équipe de bobsleigh, s'est marié quatre fois et a été un des meilleurs pilotes de chasse de son pays pendant la Première Guerre mondiale. Au cours des années 1920, il investissait une partie de sa fortune dans le sport automobile et courait parfois vêtu d'un complet veston avec béret. Il a également souscrit plusieurs inventions, incluant un système de suspension vendu au géant américain General Motors. Lorsque l'entreprise familiale a été vendue dans les années 1960, Dubonnet s'est intéressé à l'énergie solaire. Cependant, son train de vie dispendieux a fait en sorte qu'il est décédé sans le sou ou presque.
Gilles Villeneuve
Pour plusieurs, Villeneuve est le meilleur pilote à n'avoir jamais remporté le championnat de F1. Malgré sa courte carrière dans la catégorie reine, le Canadien a certainement laissé sa marque avant de mourir lors des qualifications pour le GP de Belgique 1982. Il prenait tellement de risques que Sid Watkins, médecin-chef de la F1, disait de lui que son temps était compté. Watkins s'est souvenu d'une occasion où il avait été son passager : "Il ignorait les feux rouges, touchait des voitures garées, jamais il ne s'arrêtait ou hésitait. Je me suis tourné pour parler à son épouse, mais elle était couchée sur le plancher. Elle m'a dit que c'était normal pour elle." Villeneuve était d'avis qu'il y avait toujours un endroit où pointer sa voiture avant d'avoir un accident à haute vitesse. Il utilisait souvent son hélicoptère même si la jauge de carburant indiquait un réservoir sec, et s'amusait à voler entre les câbles électriques et leurs pylônes. "Il n'est pas comme nous", a dit Jacques Laffite. "Il est sur un autre niveau. Il ne connaît pas la peur."
Tazio Nuvolari
Nuvolari était probablement le meilleur des pilotes pré-F1, décrit par un rival comme étant "le plus culotté et talentueux de tous les fous." Dans sa jeunesse, il a sauté du toit de la maison familiale avec un parachute artisanal dans le dos. Adolescent, il s'est acheté un petit avion et l'a écrasé dans une botte de foin. Au cours de la Première Guerre mondiale, l'armée italienne lui interdisait de conduire ses ambulances car elle le jugeait "trop dangereux". Rien n'arrêtait Nuvolari. Après un grave accident subi en 1934, il a participé à une course avec un pied dans le plâtre. Deux années plus tard, gravement blessé lors des essais pour le Grand Prix de Tripoli, c'est avec le sourire qu'il a repris le volant et couru dans le GP bien qu'il peinait à bouger dans son corset médical. En 1940, un capot plié sur sa Ferrari l'empêchait de bien voir la piste : Nuvolari a délibérément frappé un pilier de pont pour l'arracher.
Henry Segrave
Segrave, un des plus grands pilotes britanniques de l'entre-deux-guerres, était obsédé par la vitesse et détenait plusieurs records sur terre et sur mer. Sur la route, son attitude à l'égard des intersections était certainement peu conventionnelle : il les traversait à fond en ignorant le trafic et les signaux. "Si vous traversez à 100 km/h, la période de temps passée dans la 'zone dangereuse' n'est qu'un tiers du temps d'un passage à 35 km/h. En conséquence, le risque de rencontrer du trafic est trois fois moindre", expliquait-il sans trop convaincre. Courir trop longtemps l'ennuyait : lors d'une épreuve d'endurance de six heures, il a simplement quitté la piste et s'est prestement dirigé vers une marina pour y faire une promenade en bateau. Il s'est tué en 1930 alors qu'il tentait de briser un autre record de vitesse.
Patrick Depailler
Les dangers de la Formule 1 n'arrivaient pas à satisfaire le goût du risque de Depailler. Peu de temps après avoir été invité par l'écurie Tyrrell à participer aux deux derniers GP de 1973, il s'est cassé une jambe en faisant de la moto. Son contrat a été amendé pour lui interdire de se déplacer par ce moyen. Dans le paddock, il se promenait souvent à vélo assis sur le guidon. En 1979, à l'exception de ses patrons chez Ligier, peu de gens étaient surpris d'apprendre que le Français s'était gravement blessé lors d'un vol en deltaplane ; son équipe l'a immédiatement remplacé. Il est décédé lors des essais pour le GP d'Allemagne 1980.
Bernd Rosemeyer
Pilote brillant et membre de la légendaire écurie Auto Union, il avait remporté le championnat européen 1936. Fataliste, il prenait tout à la légère, ce qui menait à de nombreuses querelles avec ses patrons. Ils étaient outrés d'apprendre qu'il avait rejoint l'équipe allemande de bobsleigh lors des Jeux Olympiques de 1936. L'année suivante, alors qu'il complétait une séance d'essais avec un major des forces armées comme passager, Rosemeyer ne portait qu'un casque, des gants, des shorts et des sandales... et c'est ainsi qu'il a fracassé le record du tour par plus de 10 secondes. En 1938, à quelques semaines de son 30e anniversaire, il perdait la vie en tentant de briser le record de vitesse sur terre.
Henry Birkin
Birkin était un membre des fameux Bentley Boys. Sa carrière a été interrompue lorsque sa nouvelle épouse lui a demandé de changer de métier. Au cours de sa 'retraite', il gardait la main en conduisant de Londres à Norfolk : si Birkin arrivait à destination dans le temps projeté, il avait droit à un petit déjeuner copieux, sinon il retournait immédiatement à Londres le ventre creux. Mais après un certain temps, le Britannique est arrivé à la conclusion que courir était plus important que son mariage ; il reprenait le volant en 1927. Non découragé par la mort de son frère, survenue lors d'une course, il pilotait tout ce qui était à sa portée. En 1933, sans aucun mécanicien pour l'assister, Birkin franchissait la ligne d'arrivée du GP de Tripoli à la 3e place. Malheureusement, ce serait sa dernière course. En s'allongeant le bras pour prendre une cigarette, il a touché le tuyau d'échappement de sa voiture. La brûlure s'étant infectée, il mourait trois semaines plus tard.
Carel Godin de Beaufort
De Beaufort, issu de la noblesse des Pays-Bas, fut un des derniers véritables pilotes amateurs. Il finançait sa propre écurie Maarsbergen, du nom de son domaine. Considéré comme une farce à ses débuts (son imposant gabarit a mené les observateurs à surnommer sa voiture "Grosse Porsche"), avec le temps il s'est mérité le respect du paddock. En 1962, il terminait 6e à deux reprises et marquait des points. De Beaufort était peu conventionnel : il pilotait sans souliers et a été vu avec une perruque de style Beatles sur la tête plutôt qu'un casque. Lors d'une séance d'essais à Reims, au grand dam des commissaires, il s'est arrêté en bordure de piste pour prendre à bord une femme ayant attiré son regard. Il est mort au Nürburgring pendant les essais pour le GP d'Allemagne 1964.
Gwenda Hawkes
À une époque où les femmes conductrices étaient perçues comme une forme de dégénérescence morale (d'autant plus lorsqu'il s'agissait de voitures de course), Hawkes a fait sa renommée dans les années 1920 en engrangeant des records de vitesse. C'est en conduisant des ambulances pendant la Première Guerre mondiale et en effectuant des réparations sous les tirs de l'ennemi qu'elle a développé ses talents. La formation militaire de Hawkes se transposait sur ses mécanos, dont les vêtements devaient être plus blanc que blanc en tout temps. Elle n'hésitait pas à congédier tout mécano dont l'habit était souillé par des taches d'huile.
Alan Stacey
Sachant qu'il n'avait qu'une jambe, il était assez remarquable de voir Stacey entamer une carrière de pilote (sa jambe droite a été amputée après un accident de moto survenu à 17 ans). L'écurie Lotus avait adapté sa voiture et ajouté un accélérateur manuel. Pour passer un examen médical plutôt strict lors d'un GP de France, Stacey avait préparé un stratagème : il a présenté sa bonne jambe pour le test des réflexes, et après que le médecin lui ait donné un petit coup de marteau caoutchouté sur le genou, a détourné son attention et s'est assuré de recevoir le deuxième coup sur le même genou. Déjà que la situation était étrange, son mécano en chef n'avait qu'un bras. Stacey est décédé lors du GP de Belgique 1960, mais son handicap n'était pas en cause : un oiseau l'aurait frappé en plein visage.
André Dubonnet
Dubonnet fut un personnage plutôt coloré à une époque où il n'en manquait pourtant pas. Héritier de l'empire familial d'apéritifs, il a pu profiter d'une vie bien remplie passée à s'amuser et à piloter. Il a participé aux Jeux Olympiques de 1924 dans l'équipe de bobsleigh, s'est marié quatre fois et a été un des meilleurs pilotes de chasse de son pays pendant la Première Guerre mondiale. Au cours des années 1920, il investissait une partie de sa fortune dans le sport automobile et courait parfois vêtu d'un complet veston avec béret. Il a également souscrit plusieurs inventions, incluant un système de suspension vendu au géant américain General Motors. Lorsque l'entreprise familiale a été vendue dans les années 1960, Dubonnet s'est intéressé à l'énergie solaire. Cependant, son train de vie dispendieux a fait en sorte qu'il est décédé sans le sou ou presque.
Gilles Villeneuve
Pour plusieurs, Villeneuve est le meilleur pilote à n'avoir jamais remporté le championnat de F1. Malgré sa courte carrière dans la catégorie reine, le Canadien a certainement laissé sa marque avant de mourir lors des qualifications pour le GP de Belgique 1982. Il prenait tellement de risques que Sid Watkins, médecin-chef de la F1, disait de lui que son temps était compté. Watkins s'est souvenu d'une occasion où il avait été son passager : "Il ignorait les feux rouges, touchait des voitures garées, jamais il ne s'arrêtait ou hésitait. Je me suis tourné pour parler à son épouse, mais elle était couchée sur le plancher. Elle m'a dit que c'était normal pour elle." Villeneuve était d'avis qu'il y avait toujours un endroit où pointer sa voiture avant d'avoir un accident à haute vitesse. Il utilisait souvent son hélicoptère même si la jauge de carburant indiquait un réservoir sec, et s'amusait à voler entre les câbles électriques et leurs pylônes. "Il n'est pas comme nous", a dit Jacques Laffite. "Il est sur un autre niveau. Il ne connaît pas la peur."
