Le mois dernier, Richard Branson déclara qu'il cherchait une femme pilote pour son écurie Virgin. "J'aurais adoré voir piloter une beauté," expliqua-t-il. Son commentaire laisse suggérer que son raisonnement n'était pas entièrement construit sur une conviction selon laquelle les femmes sont de bonnes pilotes.
Hellé Nice au volant de sa Bugatti en décembre 1929, le jour de sa première tentative visant à établir le record de vitesse sur terre d'une femme
Son patron d'écurie de l'époque, Alex Tai, a pratiquement confirmé cette impression lorsqu'il ajouta : "Il n'y a pas vraiment de femme capable de le faire présentement […] Il s'agit d'un sport très physique et épuisant et elles trouveraient ça difficile."
Historiquement, les Grands Prix ont été un domaine presque exclusivement masculin. Quelques femmes sont apparues brièvement. Une seule - Lella Lombardi en 1975 - a marqué un point au championnat (en fait, un demi-point lors d'un Grand Prix d'Espagne écourté).
Pourtant, au cours des années 1930, il y eut une femme qui non seulement courrait contre les hommes, mais fit mieux que plusieurs d'entre eux, et fréquemment. Son nom était Hellé Nice. Elle était française, glamoureuse et riche. Mais elle a été quasiment effacée de l'Histoire.
Nice est venue au monde sous le nom de Mariette Delangle en 1900, dans un petit village provincial, la fille du facteur local. A 16 ans elle quittait pour Paris où elle a trouvé du travail comme danseuse, adoptant le nom de scène Hélène Nice, ce qui deviendrait éventuellement Hellé Nice. Il a été écrit que "son sourire était joyeux et sensuel, sa peau crémeuse de couleur bisque, ses paupières lourdes et ses traits doucement précis."
En quelques années sa danse et ses acrobaties l'ont rendue célèbre. Elle était également disposée à poser nue, ce qui lui assurait une notoriété et l'aida à attirer une série de riches amoureux mondains. Elle faisait de si bonnes affaires avec ses tournées européennes qu'elle put s'acheter un yacht et financer une kyrielle de passe-temps qui l'amusaient.
Un accident vers la fin des années 1920 mit un terme à sa carrière de danseuse et l'empêcha également de faire du ski, un autre passe-temps qu'elle adorait. Cherchant des alternatives, elle commença à piloter des voitures. Grâce à Philippe de Rothschild, son amant d'alors, elle fit la connaissance d'Ettore Bugatti qui lui prêta un véhicule qu'elle achèterait éventuellement pour 1600 $ US (1100 €) [elle serait vendue 486 500 $ US (338 500 €) en 1997].
Elle ne souhaitait rien de plus que d'affronter les hommes à conditions égales - "Tout ce que je demande," a-t-elle dit, "c'est de montrer ce que je sais faire, sans handicap, contre les hommes." Sa Bugatti au ton bleu vif lui donna cette opportunité.
En 1929 elle tenta sans succès d'établir un record en vue de devenir la plus rapide femme du monde. Elle raconta à une presse conquise à quel point elle adorait avoir "une grosse voiture de course rugissante entre les mains qui ne demande qu'à aller plus vite." L'été suivant elle fit une tournée aux États-Unis où elle démontra ses talents sur la côte est lors de plusieurs courses sur terre.
Vers la fin de l'année 1930 elle remporta une course réservée aux femmes tout en établissant le record de vitesse sur terre pour une femme, ce qui lui mérita le surnom de 'Reine de la vitesse'.
En 1931 elle pilota sa Bugatti lors des Grands Prix de France et d'Italie, emballant les foules et récoltant les profits d'énormes dérivés commerciaux. Elle ne gagna pas mais sut terminer devant un nombre de ses rivaux masculins et se mérita la réputation d'être une pilote prudente plutôt qu'une pilote rapide. Au cours des années qui suivirent, elle pilotait régulièrement, non seulement des Grands Prix mais aussi des contre-la-montre de montagne et des rallyes à travers l'Europe, se défendant bien et survivant à sa part d'accidents.
Elle courtisait l'attention, pilotant en chemise à manches courtes avec des boucles cousues sur les manches, parfois en maillot de bain, et pilotait toujours la bouche ouverte. Dans Bugatti Queen (Reine des Bugatti), Miranda Seymour a écrit : "La liste d'amoureux, aristocrates et autres, qui se sont engagés avec Nice au cours des années 1930 est presque aussi longue que le la liste des courses auxquelles elle a participé."
Nice à bord de sa Alfa Romeo Monza, la voiture qui remplaça sa Bugatti, et celle qu'elle accidentera au Brésil
En 1936, maintenant au volant d'une Alfa Romeo bleue, elle fut impliquée dans un accident majeur au Brésil lorsqu'elle enfonça un ballot de paille après avoir tenté d'éviter des spectateurs sur la route. Son véhicule fut catapulté dans les airs et plongea dans la foule, tuant quatre personnes. Nice fut éjectée et retomba sur un soldat qui amortit l'impact et sauva probablement sa vie; il a été tué, elle a été dans un coma pendant deux jours et à l'hôpital pendant deux mois.
Elle se retira des courses majeures mais lorsqu'elle tenta de courir en Italie en 1937 elle ne put amasser les fonds nécessaires. Elle a continué de piloter contre d'autres femmes jusqu'à l'éclatement de la guerre, tentant pendant tout ce temps de revenir à la gloire. Après avoir passé les années de guerre dans une maison sur la Riviera française, vivant sur une compensation fournie par le gouvernement brésilien, elle reprit le pilotage.
Mais en 1949, la veille de sa participation dans le Rallye de Monte Carlo, elle fut publiquement accusée par Louis Chiron, légende française du sport automobile, d'avoir travaillé avec la Gestapo. Assommée, elle fut incapable de répondre. Son silence fut perçu comme un aveu de culpabilité et, malgré qu'elle ait subséquemment protesté son innocence, le dommage était fait. Ses sponsors l'ont quitté, ses amis peu de temps après, et ensuite son amant, ayant dilapidé sa fortune, la déserta aussi.
Elle tenta de ressusciter sa carrière mais la stigmatisation était là et elle fut répudiée. Son argent disparue, quelques années plus tard elle vivait dans une misérable chambre à Nice sur un maigre revenu octroyé par une œuvre de bienfaisance pour comédiens de théâtre sur le déclin, gagnant occasionnellement quelques centimes en vendant des billets pour des spectacles au bord de la mer. Selon les dires, elle portait un pistolet chargé pour le jour où elle rencontrerait par hasard son ancien amant.
Nice prit un autre nom, alors abandonnée même par sa famille et pratiquement oubliée. Lorsqu'elle mourut à l'âge de 83 ans, ses funérailles furent payées par l'œuvre de bienfaisance et ses quelques biens vendus à son logeur. L'insulte finale vint lorsque sa sœur refusa de voir ses cendres enterrées dans le lot familial.
Les allégations portées contre elle n'ont jamais été prouvées. En fait, il n'y a jamais eu une parcelle de preuve pour appuyer l'accusation de Chiron et elles ne furent jamais répétées. Mais telle était sa réputation en France qu'il n'avait jamais besoin de le faire. Les investigations subséquentes n'ont pu découvrir quoi que ce soit, et des années plus tard même les allemands ont nié l'avoir eue sur leurs comptes.
La vie folle et flamboyante de Nice l'a rendue célèbre mais très impopulaire auprès des autres pilotes. Une parmi elles, Simone des Forest, déclara près de 60 ans après avoir couru contre Nice : "Je ne crois pas qu'elle ait jamais pensé à autre chose que le sexe et se pavaner." Ultimement, ce type de jalousie lui coûta probablement cher.
Si Nice avait vécu dans le monde d'aujourd'hui, elle aurait été un rêve de marketing. Mais non seulement mourut-elle seule et sans argent, ses exploits sont maintenant quasiment complètement inconnus. Telle fut la stigmatisation de la collaboration dans la France d'après-guerre; personne n'était prêt à pardonner mais tout le monde voulait oublier.
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La Fondation Hellé Nice fut instaurée en 2008 pour fournir une aide financière aux jeunes femmes ayant la passion de la course. Elle est décrite comme "une organisation sans but lucratif honorant les 'Plus rapides femmes du monde' et promouvant l'égalité des sexes en course automobile via l'éducation et le financement des femmes en sports motorisés." Le projet inaugural de la fondation fut d'amasser des fonds pour l'achat d'une pierre tombale pour Nice.
Hellé Nice au volant de sa Bugatti en décembre 1929, le jour de sa première tentative visant à établir le record de vitesse sur terre d'une femme
Son patron d'écurie de l'époque, Alex Tai, a pratiquement confirmé cette impression lorsqu'il ajouta : "Il n'y a pas vraiment de femme capable de le faire présentement […] Il s'agit d'un sport très physique et épuisant et elles trouveraient ça difficile."
Historiquement, les Grands Prix ont été un domaine presque exclusivement masculin. Quelques femmes sont apparues brièvement. Une seule - Lella Lombardi en 1975 - a marqué un point au championnat (en fait, un demi-point lors d'un Grand Prix d'Espagne écourté).
Pourtant, au cours des années 1930, il y eut une femme qui non seulement courrait contre les hommes, mais fit mieux que plusieurs d'entre eux, et fréquemment. Son nom était Hellé Nice. Elle était française, glamoureuse et riche. Mais elle a été quasiment effacée de l'Histoire.
Nice est venue au monde sous le nom de Mariette Delangle en 1900, dans un petit village provincial, la fille du facteur local. A 16 ans elle quittait pour Paris où elle a trouvé du travail comme danseuse, adoptant le nom de scène Hélène Nice, ce qui deviendrait éventuellement Hellé Nice. Il a été écrit que "son sourire était joyeux et sensuel, sa peau crémeuse de couleur bisque, ses paupières lourdes et ses traits doucement précis."
En quelques années sa danse et ses acrobaties l'ont rendue célèbre. Elle était également disposée à poser nue, ce qui lui assurait une notoriété et l'aida à attirer une série de riches amoureux mondains. Elle faisait de si bonnes affaires avec ses tournées européennes qu'elle put s'acheter un yacht et financer une kyrielle de passe-temps qui l'amusaient.
Un accident vers la fin des années 1920 mit un terme à sa carrière de danseuse et l'empêcha également de faire du ski, un autre passe-temps qu'elle adorait. Cherchant des alternatives, elle commença à piloter des voitures. Grâce à Philippe de Rothschild, son amant d'alors, elle fit la connaissance d'Ettore Bugatti qui lui prêta un véhicule qu'elle achèterait éventuellement pour 1600 $ US (1100 €) [elle serait vendue 486 500 $ US (338 500 €) en 1997].
Elle ne souhaitait rien de plus que d'affronter les hommes à conditions égales - "Tout ce que je demande," a-t-elle dit, "c'est de montrer ce que je sais faire, sans handicap, contre les hommes." Sa Bugatti au ton bleu vif lui donna cette opportunité.
En 1929 elle tenta sans succès d'établir un record en vue de devenir la plus rapide femme du monde. Elle raconta à une presse conquise à quel point elle adorait avoir "une grosse voiture de course rugissante entre les mains qui ne demande qu'à aller plus vite." L'été suivant elle fit une tournée aux États-Unis où elle démontra ses talents sur la côte est lors de plusieurs courses sur terre.
Vers la fin de l'année 1930 elle remporta une course réservée aux femmes tout en établissant le record de vitesse sur terre pour une femme, ce qui lui mérita le surnom de 'Reine de la vitesse'.
En 1931 elle pilota sa Bugatti lors des Grands Prix de France et d'Italie, emballant les foules et récoltant les profits d'énormes dérivés commerciaux. Elle ne gagna pas mais sut terminer devant un nombre de ses rivaux masculins et se mérita la réputation d'être une pilote prudente plutôt qu'une pilote rapide. Au cours des années qui suivirent, elle pilotait régulièrement, non seulement des Grands Prix mais aussi des contre-la-montre de montagne et des rallyes à travers l'Europe, se défendant bien et survivant à sa part d'accidents.
Elle courtisait l'attention, pilotant en chemise à manches courtes avec des boucles cousues sur les manches, parfois en maillot de bain, et pilotait toujours la bouche ouverte. Dans Bugatti Queen (Reine des Bugatti), Miranda Seymour a écrit : "La liste d'amoureux, aristocrates et autres, qui se sont engagés avec Nice au cours des années 1930 est presque aussi longue que le la liste des courses auxquelles elle a participé."
Nice à bord de sa Alfa Romeo Monza, la voiture qui remplaça sa Bugatti, et celle qu'elle accidentera au Brésil
En 1936, maintenant au volant d'une Alfa Romeo bleue, elle fut impliquée dans un accident majeur au Brésil lorsqu'elle enfonça un ballot de paille après avoir tenté d'éviter des spectateurs sur la route. Son véhicule fut catapulté dans les airs et plongea dans la foule, tuant quatre personnes. Nice fut éjectée et retomba sur un soldat qui amortit l'impact et sauva probablement sa vie; il a été tué, elle a été dans un coma pendant deux jours et à l'hôpital pendant deux mois.
Elle se retira des courses majeures mais lorsqu'elle tenta de courir en Italie en 1937 elle ne put amasser les fonds nécessaires. Elle a continué de piloter contre d'autres femmes jusqu'à l'éclatement de la guerre, tentant pendant tout ce temps de revenir à la gloire. Après avoir passé les années de guerre dans une maison sur la Riviera française, vivant sur une compensation fournie par le gouvernement brésilien, elle reprit le pilotage.
Mais en 1949, la veille de sa participation dans le Rallye de Monte Carlo, elle fut publiquement accusée par Louis Chiron, légende française du sport automobile, d'avoir travaillé avec la Gestapo. Assommée, elle fut incapable de répondre. Son silence fut perçu comme un aveu de culpabilité et, malgré qu'elle ait subséquemment protesté son innocence, le dommage était fait. Ses sponsors l'ont quitté, ses amis peu de temps après, et ensuite son amant, ayant dilapidé sa fortune, la déserta aussi.
Elle tenta de ressusciter sa carrière mais la stigmatisation était là et elle fut répudiée. Son argent disparue, quelques années plus tard elle vivait dans une misérable chambre à Nice sur un maigre revenu octroyé par une œuvre de bienfaisance pour comédiens de théâtre sur le déclin, gagnant occasionnellement quelques centimes en vendant des billets pour des spectacles au bord de la mer. Selon les dires, elle portait un pistolet chargé pour le jour où elle rencontrerait par hasard son ancien amant.
Nice prit un autre nom, alors abandonnée même par sa famille et pratiquement oubliée. Lorsqu'elle mourut à l'âge de 83 ans, ses funérailles furent payées par l'œuvre de bienfaisance et ses quelques biens vendus à son logeur. L'insulte finale vint lorsque sa sœur refusa de voir ses cendres enterrées dans le lot familial.
Les allégations portées contre elle n'ont jamais été prouvées. En fait, il n'y a jamais eu une parcelle de preuve pour appuyer l'accusation de Chiron et elles ne furent jamais répétées. Mais telle était sa réputation en France qu'il n'avait jamais besoin de le faire. Les investigations subséquentes n'ont pu découvrir quoi que ce soit, et des années plus tard même les allemands ont nié l'avoir eue sur leurs comptes.
La vie folle et flamboyante de Nice l'a rendue célèbre mais très impopulaire auprès des autres pilotes. Une parmi elles, Simone des Forest, déclara près de 60 ans après avoir couru contre Nice : "Je ne crois pas qu'elle ait jamais pensé à autre chose que le sexe et se pavaner." Ultimement, ce type de jalousie lui coûta probablement cher.
Si Nice avait vécu dans le monde d'aujourd'hui, elle aurait été un rêve de marketing. Mais non seulement mourut-elle seule et sans argent, ses exploits sont maintenant quasiment complètement inconnus. Telle fut la stigmatisation de la collaboration dans la France d'après-guerre; personne n'était prêt à pardonner mais tout le monde voulait oublier.
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La Fondation Hellé Nice fut instaurée en 2008 pour fournir une aide financière aux jeunes femmes ayant la passion de la course. Elle est décrite comme "une organisation sans but lucratif honorant les 'Plus rapides femmes du monde' et promouvant l'égalité des sexes en course automobile via l'éducation et le financement des femmes en sports motorisés." Le projet inaugural de la fondation fut d'amasser des fonds pour l'achat d'une pierre tombale pour Nice.