Bill Vukovich fut une légende du sport automobile au cours des années 1950, surtout reconnu pour trois éditions spécifiques des 500 Miles d'Indianapolis : il en a gagné deux, il a perdu la vie lors du troisième.
Vukovich célèbre sa victoire à Indianapolis en 1953
Depuis sa troisième course au 'Brickyard', Vukovich était devenu un pilote remarquable et reconnu, un fonceur sans peur qui avait déclaré : "La seule façon de gagner ici, c'est de garder votre pied sur l'accélérateur et tourner à gauche."
Au volant d'une Fuel Injection Special, Vukovich avait dominé les éditions 1953 et 1954. L'année suivante, l'homme aux deux surnoms ('le Russe enragé' pour son style de pilotage agressif et le 'Serbe silencieux' pour son attitude décontractée) voulait devenir le premier pilote à remporter trois éditions consécutives de l''Indy 500'.
Il est possible que Vukovich ait eu une prémonition au sujet de la course qui serait sa dernière. Une semaine auparavant, il avait fait part de ses doutes en avouant qu'il ne pensait pas terminer. Habituellement, Vukovich n'appelait pas son épouse Esther avant une course; mais le 30 mai 1955, il la rejoint au téléphone et lui demande à quelle heure elle arrivera au circuit. Il lui fait un signe de la main au départ de la course.
Aux commandes de sa Lindsey Hopkins Special, Vukovich se forge une très bonne avance. Soudainement, au 57e tour, c'est la tragédie. Trois voitures entrent en collision devant lui. Vukovich n'avait que deux mètres de jeu par où s'engouffrer près du mur extérieur, mais une voiture dérape à cet endroit et projette le bolide de Vukovich au-dessus du mur. L'avant frappe le sol en premier, la voiture culbute, rebondit, pivote et prend feu. Vukovich était mort avant d'être touché par les flammes, victime d'une fracture à la base du crâne. Il avait 36 ans.
Un pilote intégré au Temple de la renommée, Vukovich était reconnu pour son intensité et sa détermination de gagner. Court et trapu - et ayant de l'amertume dans ses yeux, selon certains - il aimait jouer à la guerre psychologique contre ses rivaux. Il était également un maître mécanicien et a su peaufiner la science des réglages.
Un enfant parmi sept autres, Bill est né le 13 décembre 1918 à Alameda en Californie, mais a grandi à Fresno. Ses parents, John et Mildred, avaient changé leur nom de Vukurovich à Vukovich lorsqu'ils ont immigré aux États-Unis après avoir quitté la Yougoslavie. John était menuisier et propriétaire d'une ferme; il s'est suicidé le 13 décembre 1922, jour du 14e anniversaire de son fils.
Puisqu'il grandit au sein de la Grande Dépression et que l'argent se fait rare, Bill et son frère aîné, Eli, se voient obligés de quitter l'école pour se trouver du travail. Leur seul loisir, c'était le Ford Model T de la famille. Bill la conduisait pour chasser des lièvres dans les champs.
Vukovich a vite réalisé que piloter des voitures pourrait rapporter de l'argent; il s'inscrit dans des compétitions au cours des années 1930. Lors de sa première tentative, il termine deuxième au volant d'une Chevrolet modifiée appartenant à Fred Gearhart. À 18 ans, Vukovich remportait sa troisième course. Gearhart le laissait garder les prix de récompense; Vukovich irait gagner des montants qu'il considérait formidables : une bonne semaine pouvait rapporter 15 $.
Vukovich, à Indianapolis en 1955
Unknown
Gearhart joue un rôle clé en 1938 en aidant Vukovich à sortir des courses de voitures modifiées et à se lancer dans les courses de catégorie midget. Deux années plus tard, il connaissait son premier gros accident et ses premières blessures sérieuses : une clavicule cassée et une main brûlée. En 1941, alors qu'il récupère d'un accident qui l'empêcherait de participer à la Seconde Guerre mondiale, il marie Ester Schmidt.
L'état d'esprit de Vukovic, c'était de gagner à tout prix. Lorsque Eli a lui aussi pris un volant de course, Bill l'avait averti : "Ne t'embrouille pas avec moi. Sur la piste tu n'es qu'un autre pilote." Quoi qu'il en soit, le but des frères était de gagner de l'argent et ils planifiaient récolter autant que 50 $ par semaine lors de courses sur la côte ouest.
La compétition était féroce, le type de course où les pilotes passeraient par-dessus les autres s'ils n'arrivaient pas à les dépasser. Vukovich donnait tout ce qu'il avait. Il se tenait aussi en forme : il ne fumait pas, ne buvait pas; il courait et faisait du vélo tous les jours.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il réparait des Jeeps et des camions, économisant assez d'argent pour acheter une midget qu'il paie 750 $ à Gearhart; il la prépare ensuite pour la saison 1945. Il lui donne le surnom d'Old Ironsides (NDLR : en hommage à la frégate américaine USS Constitution construite au XVIIIe siècle, renommée pour sa solidité) et peinture la carrosserie d'un rouge vif. Derrière son volant, Vukovich deviendrait champion des courses midget californiennes.
Commotions cérébrales, mains scarifiées, épaules cassées, côtes brisées; rien ne l'arrêtait. Il ne voulait pas perdre - surtout pas contre Eli. En gagnant les championnats de la côte ouest sanctionnés par la United Racing Association, Vukovich s'impose comme le pilote dominant de la série midget en 1946 et 1947. En 1950, il remporte la couronne AAA National Midget et s'ouvre les portes des ligues majeures américaines.
Alors que les séries midget perdent leur intérêt auprès des fans, les meilleurs pilotes - Walt Faulkner, Andy Linden et Manny Ayula - prennent le volant de voitures de catégorie Indy. Vukovich ne semblait pas intéressé à courir dans d'autre chose qu'une midget, mais il change d'idée lorsqu'il obtient un volant comme pilote remplaçant pour les 500 Miles d'Indianapolis. Cependant, sa vieille voiture n'arrive pas à se qualifier pour la course.
Vukovich y retourne en 1951, cette fois avec un sponsor : Pete Salemi, de la ville de Cleveland. Sa voiture : une Central Excavating Special. Ayant pris le départ de la 20e position, il grimpe à la 10e place en 15 tours. Mais la voiture n'a pu faire plus de 29 tours; un bris au niveau du réservoir d'huile le force à l'abandon. Ayant gagné 750 $ pour sa 29e place, Vukovich a néanmoins attiré l'attention du millionnaire Howard Keck, qui cherchait à remplacer le bientôt retraité triple vainqueur de l'Indy 500, Mauri Rose.
Vukovich mène le peloton au départ des 500 Miles d'Indianapolis, édition 1955
Unknown
Vukovich respectait Keck; il décide de quitter la série midget à la fin de la saison 1951. L'année suivante, Vukovich place la voiture de Keck sur la troisième ligne de l'indy 500. Il menait la course quand une tige sur la direction cède au 192e tour, envoyant sa voiture dans un mur et permettant à Troy Ruttman de filer devant vers la victoire.
Sorti de la course et classé 17e, Vukovich réalise alors qu'une victoire à Indianapolis serait facilement à sa portée. Il réalise son objectif l'année suivante, en 1953, après avoir capturé la pole position grâce à une vitesse de 223 km/h. Vukovich, décontracté, avait mené 195 des 200 tours et comptait parmi les cinq pilotes qui ne s'étaient pas arrêtés pour se rafraîchir alors que la piste atteignait 54 degrés Celsius. Sa vitesse moyenne : 207 km/h. Sa surprenante performance lui donne 89 496 $.
En 1954, Vukovich a été encore plus rapide. Bien que parti de la 19e position, il a établi un record de vitesse pour les 500 Miles d'Indianapolis en atteignant une vitesse moyenne de 210 km/h, en plus de devenir le troisième pilote à remporter deux éditions consécutives de la fameuse course. Il empoche 74 934 $.
Alors que Vukovich décline les offres monétaires alléchantes qui lui sont proposées cette année-là, il accepte cependant de participer à la course Pan American. Son style de pilotage est évident pendant cette course mexicaine. Il terrifie d'ailleurs son co-pilote, Vern Huell : sur le dangereux tracé serpentant les montagnes, il coupait les virages. Au cours de cette épreuve de 3070 kilomètres, Vukovich et Huell se trouvaient à la deuxième position de leur catégorie lorsque leur voiture quitte la route au cœur des montagnes du Sierra Madre; ils ont été chanceux de s'en sortir vivants.
Keck se retire de la compétition en 1955 et libère Vukovich de son contrat; il rejoint alors Lindsey Hopkins, propriétaire d'un nouveau roadster, et insiste pour que ses mécanos le suivent. Mais avec son nouveau patron et sa nouvelle voiture, Vukovich rencontrerait la mort lors des 500 Miles d'Indianapolis.
Son décès n'a pas freiné les ambitions sportives de sa famille. Son fils Billy a été nommé Recrue de l'année lors de l'Indy 500 de 1968 (pour sa septième place) et a terminé l'édition de 1973 en deuxième position. Le fils de Billy, Billy Vukovich III, est nommé Recrue de l'année à Indianapolis en 1988 après avoir terminé 14e. Sa vie se terminera comme celle de son grand-père : en 1990, il meurt dans un accident de course à Bakersfield en Californie.
Vukovich célèbre sa victoire à Indianapolis en 1953
Depuis sa troisième course au 'Brickyard', Vukovich était devenu un pilote remarquable et reconnu, un fonceur sans peur qui avait déclaré : "La seule façon de gagner ici, c'est de garder votre pied sur l'accélérateur et tourner à gauche."
Au volant d'une Fuel Injection Special, Vukovich avait dominé les éditions 1953 et 1954. L'année suivante, l'homme aux deux surnoms ('le Russe enragé' pour son style de pilotage agressif et le 'Serbe silencieux' pour son attitude décontractée) voulait devenir le premier pilote à remporter trois éditions consécutives de l''Indy 500'.
Il est possible que Vukovich ait eu une prémonition au sujet de la course qui serait sa dernière. Une semaine auparavant, il avait fait part de ses doutes en avouant qu'il ne pensait pas terminer. Habituellement, Vukovich n'appelait pas son épouse Esther avant une course; mais le 30 mai 1955, il la rejoint au téléphone et lui demande à quelle heure elle arrivera au circuit. Il lui fait un signe de la main au départ de la course.
Aux commandes de sa Lindsey Hopkins Special, Vukovich se forge une très bonne avance. Soudainement, au 57e tour, c'est la tragédie. Trois voitures entrent en collision devant lui. Vukovich n'avait que deux mètres de jeu par où s'engouffrer près du mur extérieur, mais une voiture dérape à cet endroit et projette le bolide de Vukovich au-dessus du mur. L'avant frappe le sol en premier, la voiture culbute, rebondit, pivote et prend feu. Vukovich était mort avant d'être touché par les flammes, victime d'une fracture à la base du crâne. Il avait 36 ans.
Un pilote intégré au Temple de la renommée, Vukovich était reconnu pour son intensité et sa détermination de gagner. Court et trapu - et ayant de l'amertume dans ses yeux, selon certains - il aimait jouer à la guerre psychologique contre ses rivaux. Il était également un maître mécanicien et a su peaufiner la science des réglages.
Un enfant parmi sept autres, Bill est né le 13 décembre 1918 à Alameda en Californie, mais a grandi à Fresno. Ses parents, John et Mildred, avaient changé leur nom de Vukurovich à Vukovich lorsqu'ils ont immigré aux États-Unis après avoir quitté la Yougoslavie. John était menuisier et propriétaire d'une ferme; il s'est suicidé le 13 décembre 1922, jour du 14e anniversaire de son fils.
Puisqu'il grandit au sein de la Grande Dépression et que l'argent se fait rare, Bill et son frère aîné, Eli, se voient obligés de quitter l'école pour se trouver du travail. Leur seul loisir, c'était le Ford Model T de la famille. Bill la conduisait pour chasser des lièvres dans les champs.
Vukovich a vite réalisé que piloter des voitures pourrait rapporter de l'argent; il s'inscrit dans des compétitions au cours des années 1930. Lors de sa première tentative, il termine deuxième au volant d'une Chevrolet modifiée appartenant à Fred Gearhart. À 18 ans, Vukovich remportait sa troisième course. Gearhart le laissait garder les prix de récompense; Vukovich irait gagner des montants qu'il considérait formidables : une bonne semaine pouvait rapporter 15 $.
Vukovich, à Indianapolis en 1955
Unknown
Gearhart joue un rôle clé en 1938 en aidant Vukovich à sortir des courses de voitures modifiées et à se lancer dans les courses de catégorie midget. Deux années plus tard, il connaissait son premier gros accident et ses premières blessures sérieuses : une clavicule cassée et une main brûlée. En 1941, alors qu'il récupère d'un accident qui l'empêcherait de participer à la Seconde Guerre mondiale, il marie Ester Schmidt.
L'état d'esprit de Vukovic, c'était de gagner à tout prix. Lorsque Eli a lui aussi pris un volant de course, Bill l'avait averti : "Ne t'embrouille pas avec moi. Sur la piste tu n'es qu'un autre pilote." Quoi qu'il en soit, le but des frères était de gagner de l'argent et ils planifiaient récolter autant que 50 $ par semaine lors de courses sur la côte ouest.
La compétition était féroce, le type de course où les pilotes passeraient par-dessus les autres s'ils n'arrivaient pas à les dépasser. Vukovich donnait tout ce qu'il avait. Il se tenait aussi en forme : il ne fumait pas, ne buvait pas; il courait et faisait du vélo tous les jours.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il réparait des Jeeps et des camions, économisant assez d'argent pour acheter une midget qu'il paie 750 $ à Gearhart; il la prépare ensuite pour la saison 1945. Il lui donne le surnom d'Old Ironsides (NDLR : en hommage à la frégate américaine USS Constitution construite au XVIIIe siècle, renommée pour sa solidité) et peinture la carrosserie d'un rouge vif. Derrière son volant, Vukovich deviendrait champion des courses midget californiennes.
Commotions cérébrales, mains scarifiées, épaules cassées, côtes brisées; rien ne l'arrêtait. Il ne voulait pas perdre - surtout pas contre Eli. En gagnant les championnats de la côte ouest sanctionnés par la United Racing Association, Vukovich s'impose comme le pilote dominant de la série midget en 1946 et 1947. En 1950, il remporte la couronne AAA National Midget et s'ouvre les portes des ligues majeures américaines.
Alors que les séries midget perdent leur intérêt auprès des fans, les meilleurs pilotes - Walt Faulkner, Andy Linden et Manny Ayula - prennent le volant de voitures de catégorie Indy. Vukovich ne semblait pas intéressé à courir dans d'autre chose qu'une midget, mais il change d'idée lorsqu'il obtient un volant comme pilote remplaçant pour les 500 Miles d'Indianapolis. Cependant, sa vieille voiture n'arrive pas à se qualifier pour la course.
Vukovich y retourne en 1951, cette fois avec un sponsor : Pete Salemi, de la ville de Cleveland. Sa voiture : une Central Excavating Special. Ayant pris le départ de la 20e position, il grimpe à la 10e place en 15 tours. Mais la voiture n'a pu faire plus de 29 tours; un bris au niveau du réservoir d'huile le force à l'abandon. Ayant gagné 750 $ pour sa 29e place, Vukovich a néanmoins attiré l'attention du millionnaire Howard Keck, qui cherchait à remplacer le bientôt retraité triple vainqueur de l'Indy 500, Mauri Rose.
Vukovich mène le peloton au départ des 500 Miles d'Indianapolis, édition 1955
Unknown
Vukovich respectait Keck; il décide de quitter la série midget à la fin de la saison 1951. L'année suivante, Vukovich place la voiture de Keck sur la troisième ligne de l'indy 500. Il menait la course quand une tige sur la direction cède au 192e tour, envoyant sa voiture dans un mur et permettant à Troy Ruttman de filer devant vers la victoire.
Sorti de la course et classé 17e, Vukovich réalise alors qu'une victoire à Indianapolis serait facilement à sa portée. Il réalise son objectif l'année suivante, en 1953, après avoir capturé la pole position grâce à une vitesse de 223 km/h. Vukovich, décontracté, avait mené 195 des 200 tours et comptait parmi les cinq pilotes qui ne s'étaient pas arrêtés pour se rafraîchir alors que la piste atteignait 54 degrés Celsius. Sa vitesse moyenne : 207 km/h. Sa surprenante performance lui donne 89 496 $.
En 1954, Vukovich a été encore plus rapide. Bien que parti de la 19e position, il a établi un record de vitesse pour les 500 Miles d'Indianapolis en atteignant une vitesse moyenne de 210 km/h, en plus de devenir le troisième pilote à remporter deux éditions consécutives de la fameuse course. Il empoche 74 934 $.
Alors que Vukovich décline les offres monétaires alléchantes qui lui sont proposées cette année-là, il accepte cependant de participer à la course Pan American. Son style de pilotage est évident pendant cette course mexicaine. Il terrifie d'ailleurs son co-pilote, Vern Huell : sur le dangereux tracé serpentant les montagnes, il coupait les virages. Au cours de cette épreuve de 3070 kilomètres, Vukovich et Huell se trouvaient à la deuxième position de leur catégorie lorsque leur voiture quitte la route au cœur des montagnes du Sierra Madre; ils ont été chanceux de s'en sortir vivants.
Keck se retire de la compétition en 1955 et libère Vukovich de son contrat; il rejoint alors Lindsey Hopkins, propriétaire d'un nouveau roadster, et insiste pour que ses mécanos le suivent. Mais avec son nouveau patron et sa nouvelle voiture, Vukovich rencontrerait la mort lors des 500 Miles d'Indianapolis.
Son décès n'a pas freiné les ambitions sportives de sa famille. Son fils Billy a été nommé Recrue de l'année lors de l'Indy 500 de 1968 (pour sa septième place) et a terminé l'édition de 1973 en deuxième position. Le fils de Billy, Billy Vukovich III, est nommé Recrue de l'année à Indianapolis en 1988 après avoir terminé 14e. Sa vie se terminera comme celle de son grand-père : en 1990, il meurt dans un accident de course à Bakersfield en Californie.